et pour ce soir une petite histoire sur le taimen
C'est sans doute l'existence de ce hucho taimen qui a donné naissance à la légende du Monstre du lac. Il y a plus de 10 ans, un garde–forestier du nom de Jin Gang faisait une tournée d'inspection autour du lac, lorsqu'il aperçut un énorme animal étrange avec son dos noir émergeant de l'eau. C'était le crépuscule et la vision de Jin n'était pas claire, mais les différentes versions de l'histoire ont circulé de bouche à oreille et forment depuis une légende.
L'un des premiers experts à se consacrer à ce sujet est Professeur Huang Renxin du département de biologie de l'université du Xinjiang. Pour lui, l'apparition du Monstre du lac Kanas n'est qu'une illusion formée par un phénomène naturel et la bête aquatique vue par Jin Gang n'était qu'un énorme poisson. Les investigations menées en 1980 et 1985 prouvent qu'il existe environ 8 espèces de poissons, pour la plupart herbivores, dans le lac Kanas. Le hucho taimen est l'espèce qui a suscité le plus d'intérêt au sein de la communauté scientifique.
Si l'on considère que l'énorme poisson rouge puisse être le monstre légendaire du lac, certaines questions restent sans réponse. Premièrement : tous les hucho taimens capturés dans le lac Kanas étaient jusqu'ici inférieurs à trois mètres de long. Deuxièmement : le lac fournit–il un environnement écologique favorable pour l'existence d'un tel poisson ? Le hucho taimen est un poisson de la famille des Salmonidés qui nage contre le courant durant la saison de reproduction. Traversé par un cours d'eau, le lac Kanas est très étroit en amont et en aval. Comment un poisson comme le hucho taimen pourrait–il franchir de tels obstacles ? Le 7 septembre 2003, vers 19 heures, quelques forestiers auraient aperçu une énorme vague surgir du lac et entendre un énorme bruit sourd. Une énorme créature noire aurait surgi des fonds du lac et jailli à plus de 20 m de la surface du lac. Le 9 juin 2005 des touristes ont déclaré aux médias avoir vu le monstre et réussi à prendre des photos mais les images n'étaient pas assez claires. Ces anecdotes ont attiré la suspicion sur l'existence d'une bête aquatique dans le lac et les hypothèses vont bon train. Pour beaucoup, la légende a pris le pas sur la beauté des paysages du lac.
et ensuite sur le grand lac en chine ce fameux récit sur le taimen
Le bateau file sur les eaux du lac Kanas. Lu, le pilote, vire à gauche, et nous rebondissons sur l’écume en coupant le sillage d’une embarcation que nous venons de croiser. Quand une demi-douzaine de touristes chinois pousse des cris de joie, Lu sourit. Nous remontons le long de ce lac en forme de croissant de 24 kilomètres de long, pour admirer le paysage et peut-être apercevoir le mystère aquatique du cru. Lu, jeune Chinois Han qui promène des touristes dans son bateau depuis six ans, nous conduit sans heurt à 50 kilomètres-heure tandis que ses passagers frissonnent dans le vent. Nous sommes en plein été, mais la température reste fraîche à cause de l’eau de fonte des glaciers qui alimente le lac. Sur les rives se dressent des hauteurs abruptes hérissées de pins et de bouleaux.
On a peine à croire que l’on se trouve en Chine. On se croirait plutôt en Suisse, ou dans l’ouest du Canada. Pourtant, c’est bel et bien la Chine. Le lac Kanas est situé dans une réserve de 2 500 kilomètres carrés, là où les frontières de la région autonome du Xinjiang et de ses voisins forment un X inégal avec la Russie au nord, le Kazakhstan à l’ouest et la Mongolie à l’est. Nous sommes à plus de 2 500 kilomètres à l’ouest de Pékin, si loin à l’ouest que, même si nous sommes officiellement dans le même fuseau horaire, les gens du coin font tout avec deux heures de retard, à “l’heure du Xinjiang”. Au bout de vingt minutes, Lu coupe le moteur, au beau milieu du lac. Le ciel est couvert et l’eau d’un bleu turquoise trouble. Au nord, on peut voir un sommet d’un gris sombre marbré d’étendues neigeuses. Une passagère demande au pilote s’il a déjà vu le gwaiwu, le monstre.
“Je l’ai vu, répond-il. yves a pris ce gros poissons.” “Mais ce n’est pas la même chose ?” insiste-t-elle. Lu se tait, contemplant les eaux calmes et énigmatiques. Je suis venu sur le Kanas, qui tire son nom d’un mot du dialecte mongol local signifiant “beau et mystérieux”, parce que j’ai entendu parler de la pureté de ses paysages alpins, ainsi que de ses minorités riveraines, dont des Kazakhs, des Ouïgours et des Tuvas. Après avoir passé six mois à étudier à Pékin, j’avais envie de fuir le plus loin possible de la Chine des Han [l’ethnie majoritaire chinoise], industrielle, urbaine, laide et polluée. J’étais par ailleurs intrigué par la légende du lac Kanas, qui veut qu’un monstre étrange hante ses eaux, sorte de version chinoise du monstre du loch Ness.
D’année en année, les médias rapportent des témoignages affirmant que la ou les créatures mesurent plus de 10 mètres de long. Certains scientifiques, pour leur part, considèrent qu’il s’agit simplement d’un type de saumon sibérien à la robe rouge, le taimen. Les dernières observations remontent au 7 juin, quand sept touristes pékinois ont aperçu “deux objets sombres, de très grande taille, sautant hors de l’eau en soulevant une vague de 1 mètre de haut”, à en croire un article du Renmin Ribao [organe du Parti communiste].
Hormis ses énigmes aquatiques, le lac recèle d’autres surprises, même s’il faut les mériter. En effet, la seule façon de vous rendre dans la réserve naturelle où se trouve le lac, si vous voyagez seul, c’est de prendre un bus de nuit à Urumqi et d’endurer plus de quinze heures de voyage. Le bus quitte la ville en direction du nord et, au fur et à mesure du trajet, le désert disparaît peu à peu pour céder la place à de grandes prairies semi-arides. Des chevalets de pompage surgissent régulièrement sur les côtés de la route, tandis qu’on devine au loin des torches d’exploitation pétrolière. Le bus nous dépose dans la petite ville de Burqin, où des chauffeurs indépendants offrent leurs services. Trois heures et 150 kilomètres plus tard, nous longeons la rivière Kanas et passons les grilles d’entrée du parc. Malgré ce voyage éprouvant, je suis surpris de trouver sur place des hordes de groupes organisés chinois. Les célèbres attractions du Xinjiang attirent les nouveaux riches venus de l’est de la Chine, mais aussi des Ouïgours qui souhaitent mieux connaître leur région.
Selon l’Office du tourisme de Kanas, la réserve naturelle a accueilli 3 000 visiteurs par jour cet été. Les autorités de la réserve cherchent à éviter les nuisances du tourisme de masse, en interdisant notamment aux bus de tourisme privés l’entrée de la réserve. Les cars bleus de la réserve sont le seul moyen de locomotion.
Le logement est bon marché et d’un confort rustique, mais peu importe : le paysage suffit à mon bonheur. Nous sommes entourés de fières montagnes aux cimes enneigées dont les versants alternent forêts et prairies. La vallée tout autour du village est parsemée de maisons en rondins et de yourtes blanches en peaux de chèvre. Pas le moindre building en vue. La veille de mon voyage en bateau, je suis monté à pied jusqu’au sommet du Guan Yu Ting, le Pavillon d’observation des poissons, du haut duquel on a une vue imprenable sur le lac et les montagnes environnantes. J’étais accompagné de Léonard, un touriste suisse, et d’une maman ouïgoure avec ses deux enfants, tous hébergés à la Maison de la montagne verte. Nous décidons de faire le chemin ensemble, sans prendre la navette. Dans un pré, nous rencontrons une jeune fille kazakhe aux joues rouges sur un cheval qui mâchonne des baies sauvages. Moyennant 15 yuans [1,50 euro] de l’heure, elle propose de nous laisser monter en croupe sur son cheval et ceux de ses amis, pour nous conduire au bas de la route qui mène au sommet, ce qui nous économise un peu de marche. Trois quarts d’heure plus tard, nous commençons à gravir un escalier en bois et en pierre qui serpente au flanc de la montagne. Ce n’est pas le chemin le plus facile. Il y a environ 3 700 marches à grimper, cela va nous prendre plusieurs heures. A mesure que nous montons, les eaux turquoise opaques du lac se dessinent peu à peu. En haut, le pavillon est bondé de touristes. Ils ont pris le bus qui emprunte la route située sur l’autre versant. Nous les rejoignons pour admirer la vue sur le lac et les pics alentour, dont bon nombre sont enneigés çà et là.
“On a peine à croire que c’est la Chine”
Le ciel est couvert de nuages, malgré un soleil éclatant qui projette des ombres irrégulières sur le lac et les coteaux. Au creux de la vallée, des bateaux touristiques font des allées et venues au fil de l’eau, filant telles des balles au ralenti. Le soir venu, nous nous régalons de spécialités ouïgoures préparées par le personnel, comme le la tiao zi, des pâtes faites à la main dans une sauce épicée à la tomate et accompagnées d’agneau et de poivrons, ou le da pan ji, un grand plat de pommes de terre, d’oignons, de poivrons et de poulet fraîchement tué, dans une sauce épaisse, épicée, de couleur brune.
Lors d’une autre promenade, au cours de laquelle nous nous éloignons du lac, deux garçons kazakhs à cheval viennent à ma rencontre. “Qi ma ? Qi ma ?” me demandent-ils, me proposant [en chinois] une promenade à cheval. L’un d’entre eux, Janatee, vit avec ses parents et deux frères. Leur yourte est plantée dans un pré qui borde la grande route du parc. Ce garçon nous dit qu’il a 14 ans, mais on lui en donnerait 9 ou 10. Son père, un homme trapu, nommé Bikh, me fait visiter la yourte familiale, décorée de tapis colorés, les parois tendues de costumes kazakhs traditionnels. Il me propose un bol de lait de vache fraîchement trait. Dans le jour faiblissant, je me remets en selle pour rentrer au village. Janatee, assis en croupe derrière moi, s’accroche à mon sac à dos. Il me dépose devant la Maison de la montagne verte où je réside. Je lui donne 30 yuans et c’est seulement en arrivant dans ma chambre que je m’aperçois qu’il m’a volé mon téléphone portable. Mais je suis très détendu, je ne vais pas en faire une histoire.
A la fin de mon séjour, j’en suis venu à me dire que l’histoire du monstre du lac était une pure invention, qu’il devait s’agir d’une ruse pour attirer davantage de touristes. En tout cas,plus depuis qu'un suisse yves l'a attrapé mais ça a l’air de toujours marcher.
bonne nuit yves